Journal évolutionnaire du 22/08/24 - Le Grand Simulacre
S'il est un phénomène qui prend une ampleur inédite, on peut même parler à son sujet d'un bouleversement de la réalité, c'est le pouvoir que nous avons désormais de produire du Simulacre.
Nous ne sommes qu'au début de cet avènement majeur, qui va sans doute constituer un tournant dans l'évolution de notre espèce. Un évènement qu'avait pressenti Cervantès et dont le Don Quichotte nous offre un extraordinaire terrain d'exploration, de réflexion et peut-être de solution.
Le Simulacre étend sa toile narrative et neuro-addictive dans tout notre environnement, qu'il transforme, formate en se cablant sur nos compulsions, nos chimies hormonales et libidinales. On assiste via les réseaux sociaux, l'intelligence artificielle, les pubs, le cinéma et des vagues compulsionnelles et informationnelles virales - à l'émergence et la consolidation d'univers narratifs émotionnels "déréalisés", des leurres, sans historicité, sans racines, qui lentement se substituent au réel.
Ces univers se déploient en une multitude de personnages, de saltimbanques, dont la consistance se réduit à la lumière des projecteurs et la production d'évènements artificiels - véritables artefacts du vide - qui orchestrent une réalité et un présent individuel et collectif factice dont la cohérence repose sur un narco-brouhaha généralisé.
Ce flux de "déréalité" entretenu et marketé à grands frais ne se limite pas à l'univers du divertissement. Il déborde sur les cultures, ultra monétarisées, gadgétisées et reformatées, réduites à des pastilles ludiques et émotionnelles, dévitalisées, détournées de leurs sources historiques et des humanités qui les fondent.
Parmi d'autres, trois champs sont dramatiquement contaminés par le Simulacre.
Le champs informationnel de plus en plus concurrencé par les "déréalités alternatives", complotistes, conspirationnistes. La contagion émotionnelle est mastérisée - images, vidéos et récits - par des scénaristes professionnels et leurs relais influenceurs avant d'être injecté et diffracté dans les tuyaux de Youtube et autres médias. On conforte les rumeurs, on attise les biais et justifie les peurs, on argumente les réflexes de crispations identitaires en les polarisant sur des boucs émissaires. Jusqu'à ce que les clients et spectateurs, chauffés à blanc, tombent en masse dans l'entonnoir des pièges narratifs déboursent au passage de quoi alimenter un juteux "fond de soutien" pour maintenir leur addiction, avant d'être entrainés vers des solutions partisanes ultraconservatrices.
Le champs socio-politique et éducationnel gangréné par l'idéologie des minorités, pris en otage par la dialectique primaire de la domination et de la concurrence victimaire. J'y reviendrai.
Le champ des spiritualités complètement décorrélés des voies de rigueur et de la lenteur des maturités et des mûrissements. On passe de Hildegarde de Bingen au fast-food neurospirituel. La spiritualité qui fut l'art de toute une vie est désormais investi par le marketing émotionnel, l'hyper-subjectivité égotique, par les "états" de bien-être, le primat du ressenti, des extases et de l'émotivité. On disqualifie l'intellect, l'effort, le discernement pour leur préférer des piqures émotionnelles, relaxatives et la pleine conscience tarifée. Là aussi j'y reviendrai.
Ceci dit, comment faire face à ce tsunami du Simulacre alors que les crises s'accumulent et imposent de réagir sur tant de fronts ?
Mon but dans ce journal n'est pas de développer le sujet. Ce sera fait par ailleurs avec Yogi Besh Besh. Mais je veux juste mettre en avant à quel point le salubre Cervantès, dans sa bataille avec les enchanteurs, nous ouvre un véritable chemin de sens et d'humanité et même des passerelles vers l'infini. Il n'est pas le seul, Shakespeare et Homère, Dante et tant d'autres on abordé la question, mais Cervantès, lui, le fait avec une prescience, un humour et une générosité uniques.
Dans mon roman épique en préparation, dont j'essaie depuis des années de contenir la puissance jubilatoire de mon héros et Maître Yogi Besh Besh, cette période est dite celle des Hypermondes. Le Simulacre, parce qu'il est attracteur, fascinant, spectaculaire et addictif est un dévoiement de la force génératrice des Hypermondes, le Swar.
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